Avec une voix qui dit tellement de choses, de l'authenticité, de la douceur, de la fragilité, Pauline Croze est une artiste rare du paysage de la chanson française qu'on aime retrouver à chacune de ses nouvelles sorties. Elle nous livre aujourd'hui "Ne Rien Faire", un album particulièrement attachant, sensible et personnel.
En pleine préparation de sa tournée, c'est dans le studio de répétition que nous avons évoqué avec elle sa voix singulière, les thèmes de ce nouvel album, et sa collaboration avec Ours, Romain Preuss et Marion B dans l'écriture, la composition et la réalisation des chansons.
Les photos sont signées par Delphine Ghosarossian.
Il s’est fait par une rencontre, comme souvent et comme pour le nouvel album, avec Richard Minier qui est fan de musiques africaines, de musiques maliennes, musiques latines. Ce sont des musiques que j’adore. Je lui disais que j’aimais beaucoup la Bossa, que c’était un univers que je rêvais d’aborder, mais je ne me sentais pas forcément capable ou légitime. Il m’a décomplexée à ce sujet, et on s’est dit qu’on allait faire un petit hommage en gardant ma touche personnelle, sans faire une retranscription des morceaux de manière folk, dans le sens guitare très épurée. Ce qui était vraiment super c’est qu’il a traduit les morceaux avec un côté beaucoup plus moderne, plus groove, un peu plus pop. C’est aussi ça qui fait que l’adaptation s’est bien faite parce que je n’avais pas d’enjeux à chanter vraiment à la Brésilienne et de chanter vraiment Bossa parce que c’est quelque chose dont je sais pertinemment que ce n’est pas mon savoir-faire. Là où j’arrive à apporter un peu ma touche à cette musique c’est dans la sensualité, la douceur et la chaloupe que j’arrive un petit peu à donner.
C’était une parenthèse pour moi et c’est vrai que les mélodies et les textes sont tellement magnifiques que j’y ai trouvé absolument mon compte.
C’est curieux, parce que pour moi une voix magnifique ce sont les voix de Jeff Buckley, la voix de Robert Plant, ce sont des voix comme celles-là que je place au top, dans la perfection. Après il y a des voix qui sont peut-être de moins beaux outils, mais elles me transportent, me font voyager, me donnent des émotions, pour moi, ce sont aussi des belles voix. Par exemple il y a la voix de Nina Simone, à mon sens, je ne dirais pas que c’est quelqu’un qui a un beau grain, ça peut-être une voix très laide aussi, par exemple, la voix de Ian Curtis, ce n’est pas non plus un summum d’esthétisme, mais il se passe tellement de choses, ils transmettent tellement de choses, ils arrivent à nous faire traverser tellement d’émotions, de sentiments, que pour moi c’est ça la beauté. Pour moi là, c’est parfait.
Au tout début, j’avais vraiment du mal à m’entendre et à m’écouter. Maintenant, il y a certains morceaux où je suis plutôt contente de m’entendre et de m’écouter, et d’autres où, au-delà du fait d’entendre ma voix, j’entends parfois la technique et je me dis « j’aurais voulu presque le chanter mieux ou le chanter différemment. » Je ne suis plus dans l’appréciation du timbre ou de la couleur. Je me suis apprivoisée et je prends plus plaisir à m’écouter sur des morceaux où je trouve que j’ai fait ce qu’il fallait, où j’ai fait mon job ! (rires)
Ce morceau aborde un thème qu’on connait bien, celui de la chute et du fait de se relever. Mais je voulais l’aborder sans être dans le pathos, sans être trop dans la plainte. Enfin, j’espère ne pas trop l’être… Je me sentais aussi à un stade où il fallait tout recommencer.
De toute les manières quand on fait un album, quand on se met à écrire des nouveaux morceaux, à composer de nouvelles choses, quelque part, on repart toujours à zéro par rapport à sa pratique.
Après, pour parler de la vie en générale, il y a eu beaucoup de choses qui ont été remises à zéro pour moi, et dans ma vie personnelle et dans ma vie familiale. Il faut prendre ça comme une chance. Ça peut être douloureux de se dire que les compteurs sont remis à zéro, qu’il faut tout reconstruire, et en même temps, la vie est tout le temps comme ça. Il ne faut jamais se dire que tout est acquis, que tout est construit. Pour moi, cette chanson parle de l’impermanence. Cette idée où rien n’est figée, rien n’est fixe. Ça peut faire de la peine parfois parce qu’on s’accroche à des choses dont on voudrait qu’elles restent et en même temps c’est ça qui est formidable, c’est qu’on peut recréer sans cesse des choses, on peut changer le cours des situations, on peut essayer de se recréer soi-même. C’est la vie en fait, il faut accepter cette impermanence.
Ce sont les relations psychologiques entre les gens. Ce qu’on en attend ou pas, ce qu’on en a gardé ou pas, et comment on continue de vivre avec ou sans. C’est vrai qu’il y a aussi des thèmes qui sont sur l’introspection. Olé, par exemple, est un lien entre soi et soi. Je sentais que c’était des thèmes que je voulais encore explorer. Par exemple, dans Elle n’Ose Pas, j’expose une situation qui m’a fait souffrir, et où j’ai fait souffrir quelqu’un. C’est cette situation douloureuse où on doit dire à quelqu’un que tout s’arrête. Ça arrive tous les jours, mais ce n’est pas banal et c’est cruel, on se sent cruel de faire ça. Ce n’est pas forcément celui qui part qui a le moins de peine, on se sent coupable… C’était pour exprimer tout cela, le mal-être que ça provoquait.
En fait ce n’est jamais la même. L’inspiration, le fantasme c’est comme une sorte de petit vêtement qui se dépose sur un homme. Ce vêtement se déplace et habille quelqu’un d’autre. Ma muse se déplace.
Pour le démarrage des morceaux et les arrangements principaux, j’ai travaillé avec Ours et Romain Preuss. On a travaillé dans des conditions très souples et très libres. On était dans une grande pièce avec du matériel pour s’enregistrer, pas du tout dans un studio professionnel, il y avait une liberté de chercher, de se tromper, et de prendre du recul par rapport à des propositions d’arrangements. Ça s’est fait dans une atmosphère très récréative. C’était du travail, mais c’était aussi de l’amusement, c’était beaucoup de plaisir. Et ça, ça m’avait beaucoup manqué auparavant. Ce qui était bien aussi, c’est qu’ils ne sont pas arrivés à l’étape où j’expose tous mes morceaux guitare – voix finis. Là, ils étaient même un peu sur les chantiers. Je leur faisais écouter les morceaux qui étaient à mi-parcours, et ils avaient une oreille attentive là-dessus. Il y avait ce côté travail sérieux et en même temps, amusement, des bons repas, des ballades, de l’enregistrement. Des fois on jamait sur mes morceaux, sans se dire « il faut qu’on ait la bonne structure… ». Dans le son de l’album, il y a le côté Ours, une petite fantaisie, un côté très ludique et enfantin, et il y a un côté Romain, qui est beaucoup plus littéraire dans sa façon de faire de la musique. Il voit un morceau comme une narration, avec un arrière-plan, un premier plan, un personnage qui évolue à l’intérieur. Il avait le côté un petit peu plus pragmatique. Du coup, les deux se complétaient parfaitement.
L’étape d’après, c’était de travailler avec Marlon B qui est réalisateur d’expérience avec un studio où on a peaufiné l’album en refaisant toutes les voix, parfois Marlon a modernisé certains sons de batteries, de caisses claires. Il a aussi apporté beaucoup de couleurs de claviers parce qu’il a de supers claviers vintages. C’était une approche et du matériel qu’on n’avait pas dans notre maison. Du coup c’est vraiment un album à 3 têtes, à 3 pensées.
Ça se présente très très bien, donc je suis hyper contente. C’est une tournée dans toute la France. Actuellement, je suis avec mes musiciens en train de répéter. On va être trois sur scène, on est en plein travail d’adaptation de l’album. Il y a certains morceaux qui sont très riches en événements, en instruments, et donc il va falloir renoncer à certains sons. Donc on est en train d’épurer, de voir ce qui est essentiel de garder à trois. Ce qui va s’ajouter c’est l’énergie qu’on va apporter sur scène et au côté live. C’est en très bonne voie. La première date est le 8 mars, j’ai hyper hâte. Ça ne passe pas assez vite !
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